अग्नि

Représentation d'agni e de ses sacrificateurs

da La religion védique d’après les hymnes du ṛgveda, tome 1, Abel Bergaigne, 1878

Représentation d’agni e de ses sacrificateurs

Les principales représentations d’agni conviennent à la fois aux feux célestes de l’éclair ou du soleil, et au feu terrestre, paniculièrement au feu du sacrifice.

agni reçoit le nom de taureau dans diverses circonstances, I, 58, 5 ; l46, 2; X, 140, 6 ; cf., X, 5, 7; 187, 1, particulièrement comme mugissant, X, 8, 1, comme abondant en semence, IV, 5, 3, comme armé de cornes, V, 1,8; VI, 16,39, qu’il aiguise, VIII, 49, 13 ; cf. V, 2, 9, et qui le rendent difficile à saisir, I, 140, 6, ou simplement comme fort, comme ayant « un cou puissant, » V, 2, 12. Or les mugissements rappellent surtout le bruit du tonnerre qui accompagne l’éclair, et la semence, la pluie dont la chute suit ordinairement l’apparition d’agni sous cette même forme. Les cornes du feu paraissent être ses flammes et conviennent surtout au feu terrestre. Mais comme symbole de la force, et aussi de l’élément mâle, la figure de taureau peut représenter agni sous toutes ses formes, y compris celle de soleil.

La même observation s’applique à la représentation d’agni naissant sous la forme d’un veau, 1,72,2; VIII,61, 5; X,8,2 ; cf. I, 65, 10 et passim.

agni est souvent comparé à un cheval, I, 58, 2 ; III, 1,4; VI, 2, 8; 3, 4; 12, 4; VII, 3, 2; VIII, 43, 25; X, 6, 2, ou reçoit directement le nom de cheval, I, 149, 3; VI, 12, 6. La queue qu’il agite comme un cheval, II, 4, 4; cf. I, 27, 1, n’est sans doute autre que ses flammes. Purifié par les sacrificateurs, il est comparé à un cheval étrillé, I, 60, 5; IV, 15, 6; VII, 3, 5; VIII, 92, 7 ; cf. VIII, 73, 8, il est le cheval qu’ils étrillent, V, 1,7; cf. 8. Les sacrificateurs le conduisent, III, 2, 7; cf. IV, 1, 9, l’excitent, le mettent en mouvement, VII,7,1; X,156,1; 188,1,comme un cheval. Il est le cheval qu’ils cherchent à dompter et à diriger, II, 5, 1 ; III, 27, 3. La même représentation semble impliquée par les textes qui nous montrent agni attaché au joug dans les demeures, II, 2, 1, attaché au joug de la loi (du sacrifice), I, 143, 7. Il va sans dire que si le feu du sacrifice a été ainsi assimilé à un cheval, c’est surtout à cause de ses courses incessantes entre la terre et le ciel. Il est le cheval qui amène au sacrifice les dieux, III, 27, 14, comparés à des roues qu’il traîne, IV, 1, 3, et il est attelé pour leur porter l’offrande, cf. X, 51, 7. Quant aux textes où agni est comparé à un cheval à cause de ses hennissements, III, 26, 3, ou appelé directement un cheval hennissant, I, 36, 8 ; cf. VII, 5, 7 eti, 173, 3, ils peuvent faire allusion sans doute au crépitement du feu terrestre ; mais il faut reconnaître pourtant qu’en mythologie, les hennissements du cheval, comme les mugissements du taureau, représentent avant tout le bruit du tonnerre. La figure du cheval convient d’ailleurs à agni sous toutes ses formes, parce que sous toutes ses formes il court comme un cheval dans la carrière, I, 65, 6 ; cf. 146, 5. Nous avons d’ailleurs déjà vu le soleil représenté comme un cheval. Ajoutons qu’agni est encore comparé à un cheval comme vainqueur ou conquérant, VIII, 91, 12, et comme faisant échapper aux dangers, IV, 2, 8. Souvent aussi, au lieu de faire d’agni un cheval, on lui donne un cheval, I, 127, 5; II, 1, 15, ou deux, I, 94, 10; II, 10, 2; IV, 2, 3; VII, 16, 2, ou plusieurs chevaux, I, 14, 6; 140, 4 et5; IV, 2, 2; VI, 6, 4; 16, 43; X, 79, 7; cf. II, 4, 2, Nous avons eu déjà l’occasion de faire une remarque analogue à propos du soleil. Comme les chevaux du soleil sont ses rayons, les chevaux d’agni sont vraisemblablement ses flammes, quand il s’agit du feu du sacrifice et que ces chevaux amènent les dieux, I, 14, 12. Et en effet, agni est le (dieu aux chevaux rouges, I, 45, 2; IV, 1, 8; X, 98, 9. Certains textes pourtant attribuent à agni des chevaux de différentes couleurs, VII, 42, 2, et bien que dans l’un d’eux au moins, au vers I, 14, 12 déjà cité, il s’agisse uniquement du feu du sacrifice, il n’est pas impossible qu’à l’origine cette diversité de couleurs ait correspondu à celle des formes d’agni. Au vers V, 6, 7, les chevaux d’agni reçoivent le nom arcayaḥ, mot qui peut désigner les rayons d’un feu céleste aussi bien que les flammes du feu terrestre, cf. VIII, 23, 11.

En même temps que des chevaux, agni a naturellement un char, IV, 1, 8; 9, 8; cf. X, 3, 6, ou même plusieurs chars, VIII, 92, 10. Quand il s’agit du feu du sacrifice, le char d’agni peut représenter le sacrifice lui-même; car ce dieu est appelé le cocher du sacrifice, X, 92, 1, ou des sacrifices, VIII, 11, 2 ; 44, 27 ; cf. III, 13, 3 ; cf. aussi III, 2, 8; IV, 10,2.

De même qu’agni n’est pas toujours un cocher, mais est souvent considéré lui-même comme un cheval, il peut être aussi comparé, I, 141, 8; II, 2, 3; III, 2, 1 ; 15; VIII, 19, 8; 73, 1, ou assimilé, III, II, 5, à un char1. Nous avions déjà rencontré cette représentation pour le soleil. Elle peut être appliquée à agni sous ses différentes formes, en tant qu’il apporte la richesse, I, 58, 3; III, 15, 5, et qu’il est redoutable dans les combats, I, 66, 6. Mais elle ne peut bien lui convenir qu’en tant qu’il ne se dirige pas lui-même, mais est conduit par d’autres. Et en effet nous lisons, au vers X, 170, 3, qu’il est conduit comme un char pour l’accomplissement du sacrifice, cf. I, 148, 3.

Nous connaissons déjà l’oiseau soleil: l’oiseau agni peut être tantôt le soleil, tantôt l’éclair. Sous le nom de sarasvat, c’est, ainsi que nous le verrons, agni qui est appelé au vers I, 164, 52, l’oiseau divin, comme il est au vers 46 du même hymne l’une des formes de l’être unique en même temps que l’oiseau garutmat. agni est encore appelé l’aigle du ciel, VII, 15, 4. Plusieurs vers le représentent ailé, I, 58, 5; II, 2, 4, ou appellent sa course un vol, I,141,7; VI,3,7; 4,6; X,8,3. Comme séjournant dans les eaux, il est comparé au flamant, I, 65, 9, et cette représentation ne peut évidemment convenir qu’à un feu céleste, particulièrement à l’éclair. Mais nous lisons aussi au vers X, 6, 4 qu’il s’élance vers les dieux avec des ailes rapides, ce qui doit s’entendre du feu du sacrifice. La comparaison d’agni avec un oiseau est d’ailleurs suggérée tout particulièrement pour le feu du sacrifice par un curieux trait de ressemblance, plusieurs fois relevé dans les hymnes; ce feu s’empare du bois comme l’oiseau se pose sur l’arbre, VI, 3, 5; I, 66, 2 ; X, 91, 22. Les flammes, IV, 4, 2, ou les rayons (? IV, 6, 10) d’agni sont aussi comparés à des oiseaux, à des aigles, et le vers V, 6, 7, qui les compare à des chevaux, place des ailes à leurs sabots, V, 6, 7.

Pour en finir avec les représentations animales, constatons encore qu’agni est comparé à un serpent. Ce ne peut être évidemment que comme éclair ou comme feu terrestre, et c’est cette dernière forme qui paraît désignée aux vers I, 180, 3; V,9,4 et même I, 141,7; cf. II, 2, 4.

L’éclair et le soleil ont été, nous le savons, assimilés à des armes. Au vers VI, 3, 4, l’agni dont il est dit qu’il est comme une hache « quand il tire la langue » semble suffisamment caractérisé, tant par ce détail que par tout le contexte, comme feu du sacrifice. agni est encore comparé a une hache aux vers I, 127, 33; III, 2, 10; IV, 6, 8; VII, 3, 9, à une pierre à lancer (la foudre?) au vers VI, 6, 54 Ailleurs, il est comparé non plus à une arme, mais à un guerrier armé, à un archer, I, 70, 11 ; VI, 3, 5; cf. I, 148, 4, il est appelé lui- même un archer, IV, 4, 1 ; il aiguise sa flamme comme le tranchant du fer, VI, 3, 5; cf. X, 20, 6.

Comme le soleil, agni est comparé à l’or, II, 2, 4 ; VII, 3, 6. Il est aussi en termes plus généraux comparé à une richesse, I, 58, 6 ; 60, 1, à une richesse acquise par héritage, I, 73, I ; cf. 70, 10.

Conformément à l’ordre suivi dans toute cette section, je vais, après les diverses représentations d’agni, signaler immédiatement celles des sacrificateurs dont agni est le prototype mythologique. Les sacrificateurs sont assimilés principalement à des chevaux et à des oiseaux. Commençons par la seconde représentation dont l’étude doit nous offrir le moins de difficultés.

Les prêtres se comparent eux-mêmes à des oiseaux, lorsque assis près du soma pressé, ils acclament indra, VIII, 21, 5. La comparaison semble là, suggérée par leur chant. Au vers X, 73, 11, les ṛṣi-s de la famille de priyamedha, implorant Indra, reçoivent directement le nom d’oiseaux. Le chant du prêtre paraît avoir été aussi assimilé au bourdonnement d’une mouche, I, 119, 9, et les sacrificateurs ont été encore comparés à des mouches, parce qu’ils se tiennent autour de la liqueur du soma, VII, 32, 2, qui attire ces insectes, IV, 45, 4 ; cf. encore X, 40, 6. Remarquons en passant qu’ils ont pu être pour la même raison assimilés à des fourmis (X, 99, 12? Voir Revue critique, 1874, II, p. 35.)

Mais revenons aux oiseaux : les prêtres sont encore comparés à des flamants à cause du bruit qu’ils font avec les pierres à presser, III, 53, 10; cf. IX, 97, 8. Il est dit également des personnages légendaires dont les hymnes font des compagnons de bṛhaspati, qu’ils ont fait le même bruit que les flamants, X, G7, 35

L’assimilation des sacrificateurs à des oiseaux s’expliquerait d’ailleurs, au moins quand il s’agit de sacrificateurs mythologiques, et particulièrement de ceux dont le sacrifice est célébré dans le ciel, par l’identité essentielle de ces personnages avec agni. On peut, je crois, reconnaître ces prêtres célestes dans les oiseaux qui, d’après le vers I, 164, 21, « font retentir les assemblées, » et qui, d’après le vers 22 et le vers 47 du même hymne, se manifestent et disparaissent tour à tour, comme au vers II, 24, 6 ces compagnons de bṛhaspati dont il vient encore d’être question à l’instant (cf. p. 97 ). Et en effet nous lisons au vers X, 80, 5, qu’agni est invoqué par les ṛṣi-s et « par les oiseaux volant dans l’atmosphère ». Remarquons encore que les oiseaux dont on parait tirer des présages, d’après les hymnes II, 42 et 43, semblent avoir pour prototypes les prêtres célestes. Ils reçoivent en tout cas le nom de poètes ou chantres, II, 43, I; l’un d’eux est comparé à l’udgātṛ qui chante le sāman, ibid. 2 ; on lui attribue à la fois la récitation d’hymnes composés de gāyatrī-s et d’hymnes composés de triṣṭhubh-s ,ibid.I; enfin le vers II, 42, 2 est adressé à un oiseau qu’on prie de chanter selon la règle établie par les pères.

Les vasiṣtha-s invoquant indra et vayu se comparent eux-mêmes à des chevaux, VII, 70, 7. La même comparaison est au vers VII, 93, 3 appliquée aux prêtres qui invoquent indra et agni. La signification en est indiquée au vers VII, 90, 5; car il me paraît évident que ce que « traînent « les uśij « attelés d’eux-mêmes », cf. Vāl. 10, 1, c’est le char d’indra et vāju, nommé dans le second hémistiche. Les prêtres sont assimilés à des chevaux parce qu’ils amènent les dieux à leur sacrifice. Et, en effet, les deux aśvin-s reçoivent au vers V, 74, 7 l’épithète vipravāhasā « qui ont pour attelage les prêtres »

L’assimilation d’agni à un char explique aussi celle des prêtres qui, comme nous l’avons vu, le mettent en mouvement, à des chevaux qui traînent ce char. Au vers I, 148, 3, les personnages qui conduisent agni et qui sont comparés à des chevaux attelés à un char, sont des dieux ; mais ces dieux y paraissent conçus comme des sacrificateurs.

Enfin, la figure du cheval, comme celle de l’oiseau, conviendrait aux prêtres mythologiques par cette seule raison qu’agni est leur prototype. Ils sont plusieurs fois représentés ainsi. Au vers III, 7, 8 – III, 4, 7, les sept chevaux qui suivent la loi, et ne disent que ce qui est conforme à la loi, rapprochés des deux sacrificateurs divins, sont évidemment les mêmes que les sept prêtres nommés au vers précédent. Les êtres invoqués dans les vers VII, 38, 7 et 8 ; cf. X, 64, 6, portent à la fois le nom de chevaux et celui de prêtres. Il est possible que ceux qui sont appelés chevaux au vers X, 74, 1 soient les mêmes dont l’invocation est mentionnée au vers suivant. En tout cas, ceux que le vers X, 114, 10 représente attelés au joug du char, paraissent bien être des prêtres célestes, comme les personnages dont il est question dans plusieurs des vers précédents. La même interprétation peut être proposée pour les chevaux de char que le vers III, 6, 8 nomme des « compagnons », qu’il mentionne parallèlement aux dieux de l’atmosphère et à ceux du ciel, et qu’agni est au vers suivant prié d’amener avec eux sur un même char, ou sur des chars différents. En effet, nous trouvons déjà au vers 1 du même hymne des chantres, qui sont là d’ailleurs les prêtres réels et terrestres, assimilés à des chevaux par l’épithète vacyamānāḥ « caracolant, » cf. 2; l’étrangeté d’une image qui nous montre des chevaux placés sur un char ne doit pas nous arrêter, non plus que la contradiction consistant en ce que le vers 9 mentionne de nouveau des chevaux, et à ce qu’il semble comme traînant le char. Les ṛṣi-s se plaisent en effet à ces combinaisons paradoxales, et celle dont il s’agit me paraît avoir été présentée sous forme d’énigme dans l’hymne I, I64 qui en contient tant d’autres, au vers 3 : « Les sept chevaux placés sur ce char à sept roues le traînent. » Cf. encore X, 102, 10 (section VI). Remarquons en terminant que le mot vahni, tiré de la racine vah « porter, traîner », et qui signifie à la fois « cheval » et « sacrificateur », est un témoignage de la facilité avec laquelle les ṛṣi-s védiques pouvaient passer d’une idée à l’autre. La même observation est applicable à l’assimilation d’agni, le porteur d’offrandes, à un cheval.

  1. Le vers III, 7, 9, sur lequel nous reviendrons à propos des rapports du feu avec les les femelles, contient une double représentation d’agni, sous la forme d’un cheval et sous celle d’un cocher : « De nombreuses femelles désirent le grand cheval, le mâle brillant dirige facilement les rênes. » 

  2. Cf. le vers I, 143, 5, où agni est représenté comme un animal qui reçoit à la fois i’épithète apya « aquatique » et celle de vanargu « fréquentant le bois ». 

  3. Cf. le vers suivant: « agni a taillé le bois avec sa flamme. » 

  4. Il est aussi comparé aune arme défensive, à une cuirasse, I, 40, 10. 

  5. Au vers X, 67, 7 ces mêmes personnages sont comparés à des sangliers.