agni ṛgveda 1, 77



**ṛṣi: Gotama Rāhūgaṇa, 5 verses, metro triṣṭubh

Introduzione di śrī Aurobindo, 1914

Le voyant Gotama Rāhūgaṇa a rédigé cet hymne, qui est un stoma à la louange d’agni, la Volonté divine à l’œuvre dans l’univers.

Le plus important, le plus universel des dieux védiques, agni est en général, dans le monde matériel, celui qui dévore et se régale, mais aussi le purificateur, qui nettoie alors même qu’il engloutit et jouit. Flamme qui prépare et rend parfait, feu qui assimile et ardeur de l’énergie formatrice, chaleur de la vie, il crée la sève, le rasa dans les choses, l’essence de leur être substantiel et l’essence de leur délice.

C’est également la Volonté dans le prāṇa, l’Énergie de Vie dynamique, et avec cette énergie il remplit les mêmes fonctions. Tandis qu’il dévore et se régale, purifie, prépare, assimile, donne forme, il ne cesse de monter et transfigure ses pouvoirs en marut-s, les énergies du Mental. Nos passions et émotions obscures sont la fumée d’agni qui brûle. L’action de toutes nos forces nerveuses ne se maintient que grâce à son soutien.

Volonté dans notre être nerveux qu’il purifie par l’action, il est aussi Volonté dans le mental et le clarifie par l’aspiration. Quand il pénètre dans l’intellect, il se rapproche de son origine, de sa patrie divine. Il guide les pensées vers le pouvoir effectif; il guide les énergies actives vers la lumière.

Sa divine patrie – bien qu’il naisse partout et demeure en toutes choses – est la Vérité, l’Infini, la vaste Intelligence cosmique où Connaissance et Force vont de pair. Car là, toute volonté vit en harmonie avec la vérité des choses et produit donc un effet, toute pensée fait partie de la Sagesse, qui est la Loi divine, et régit donc parfaitement une action divine. Une fois accompli, agni devient puissant dans sa propre maison – dans le Vrai, le Juste, le Vaste. C’est là-haut qu’il conduit l’aspiration de l’humanité, lui, l’âme de l’Aryen, le guide du sacrifice cosmique.

C’est au moment où pour la première fois devient possible le grand passage, la transition du mental au supramental, la transfiguration de l’intelligence (qui jusqu’ici régente l’être mental) en une Lumière divine – c’est à cet instant suprême et crucial dans le Yoga védique que le ṛṣi Gotama Rāhūgaṇa cherche en lui-même la Parole inspirée. Elle l’aidera à réaliser, pour lui-même et pour les autres, le Pouvoir qui doit effectuer la transition et l’état de lumineuse plénitude où devra commencer la transfiguration.

Le sacrifice védique symbolise, psychologiquement, l’activité cosmique et individuelle illuminée devenue consciente de soi et de son but. Le processus entier de l’univers est de par sa nature même un sacrifice, volontaire ou involontaire. S’accomplir en s’immolant, croître en donnant est la loi universelle. Ce qui refuse de se donner sert néanmoins d’aliment aux Pouvoirs cosmiques. “Le mangeur mangeant est mangé”, c’est ainsi que l’upaniṣad résume en une formule riche de sens et terrible cette dimension de l’univers, tandis qu’ailleurs les hommes sont dépeints comme le bétail des dieux. Seule la reconnaissance et l’acceptation volontaire de cette loi fait que l’on peut transcender ce royaume de mort, le travail du sacrifice rendant possible et permettant d’atteindre l’Immortalité. Tous les pouvoirs réels et potentiels de la vie humaine sont offerts sans réserve, en un sacrifice symbolique, à la Vie divine dans le Cosmos.

Connaissance, Force et Délice sont les trois pouvoirs de la Vie divine; la pensée et ses formations, la volonté et ses opérations, l’amour et ses harmonisations sont les activités humaines correspondantes qu’il faut élever au niveau divin. Les dichotomies vérité et fausseté, lumière et obscurité, les notions contraires de justice et d’injustice, c’est la Connaissance qui se brouille, conséquence des divisions pratiquées par l’ego; les oppositions amour et haine, joie et peine, plaisir et douleur égoïstes, c’est l’Amour qui se trouble, les perversions de l’Ananda; les alternances force et faiblesse, péché et vertu, action et inaction, c’est la Volonté qui s’égare, le gaspillage de la Force divine. Et confusions, troubles, égarements naissent tous et deviennent même des modes nécessaires de notre action, parce que les pouvoirs tri-un de la Vie divine sont dissociés l’un de l’autre, la Connaissance d’avec la Force, l’Amour d’avec les deux autres, par l’Ignorance qui sépare. C’est l’Ignorance, le règne du Mensonge cosmique, qu’il faut éliminer. Par la Vérité, donc, passe la route vers l’harmonie vraie, la félicité parfaite, l’accomplissement ultime de l’amour dans le Délice divin. Par conséquent, c’est seulement quand la volonté en l’homme deviendra divine et détiendra la Vérité, amṛto ṛtāvā, que pourra être réalisée dans l’humanité la perfection vers laquelle nous tendons.

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